Création de Fontshop
« Bien qu’émergeant après Emigre, il convient de parler auparavant de FontFont et de FontShop car leurs racines sont antérieures. Il faut tout d’abord présenter son protagoniste principal, Erik Spiekermann. Avant de devenir le créateur de caractères talentueux que l’on connaît, Spiekermann travaille à Londres en tant que graphiste freelance de 1972 à 1979. Il fera ses armes typographiques au sein de la fonderie Berthold, qui compte parmi les fonderies les plus respectées et dont la direction typographique est assurée de main de maître par Günther Gerhard Lange. Au sein de la fonderie Berthold, Spiekermann dessine le Block italique (restauration d’un caractère d’Hermann Hoffmann de 1908) en 1979 ; il restaure le Berliner Grotesk la même année et le Lo-Type l’année suivante, et, à partir de 1985, il conçoit l’identité graphique de la fonderie via son agence MetaDesign qu’il fonde en 1983 ainsi qu’une nouvelle série de spécimens. Mais, tout comme pour son comparse Alexander Branczyk (qui sera chef de projet au sein de MetaDesign de 1988 à 1994), lequel participe activement à la création du Jaeger Antiqua (1984), Berthold est une maison par trop conservatrice pour Erik Spiekermann qui, épris d’un tout autre modernisme, fonde avec sa femme d’alors, Joan, et Neville Brody FontShop ainsi que FontFont. Au sein de cette fonderie, animée comme un label de musique indépendant face aux majors une esthétique biface se met en place : d’un côté, une esthétique cyberpunk dans la ligne de ce qui deviendra Fuse quelques années plus tard ; de l’autre l’instauration de nouveaux classiques avec le FF Scala de Martin Majoor (qui débouchera là encore sur un pack de la totale typographie) et le FF Meta qui deviendra le Helvetica des années 1990.
Mais arrêtons-nous un peu sur le cas du Beowolf, la première des FontFont, éloquente tant des visées esthétiques de l’époque que du marketing des procédés, logés pour la première fois au sein de la fonte et non dans les arcanes obscures de dispositifs compagnons, qui ne devra plus quitter la promotion des caractères typographiques numériques. Autrement dit, la promotion technologique ne devait plus être dissociée de la promotion des fontes numériques.»
Extrait du chapitre 6 (auteur Frank Adebiaye) Histoire de l’écriture typographique
Le XXe siècle : Tome 2 : de 1950 à 2000, p 155-6.
Frank Adebiaye