1974 — Contexte (typo)graphique

Bazooka

Culte, Bazooka était un groupuscule de dessinateurs/graphistes/peintres estampillé 1977, absorbé et absorbant le punk, majoritairement apolitique et s’étant donné comme fonction première de noyauter à l’échelle mondiale l’ensemble de la production rédactionnelle et picturale. Une ambition : la production d’images en masse et pour masses grâce des techniques aussi hétéroclites que la bande dessinée, la surimpression, le collage, la modification de maquette, le canular provo dans les petites annonces, en passant par la peinture sur photographie. Le phagocytage méthodique des médias quelque soit leur orientation – les Bazooka ont publié dans Minute comme dans Libération – était leur seul et unique mot d’ordre. Enfin un peu de distance avec le situationnisme. Très loin donc de notre déontologie « underground » garde-chiourme qui nous fait l’effet d’un comité de salut public aviné ou, au choix, d’une ratonnade hype/happening/syndiqué.

Christian Chapiron (KiKi Picasso), Olivia Clavel (Electric Clito), Lulu Larsen, Bernard Vidal (Bananar) et Philippe Bailly (TI5dur) se sont rencontrés aux Beaux Arts de Paris autour d’un poêle et d’un dourapeux, une espèce de goulash au foie de volaille concoctée par Bananar, fils de mirloufe et seul marxiste du groupe. Ils sont jeunes, ils sont fiers et, comme le clame Darc, ils le disent fort.

Rassemblés autour d’intérêts communs puissants et fédérateurs, comme par exemple déterrer les morts du cimetière Montmartre, peindre leurs crânes, décréter que la mort est une farce, prendre de l’acide au zoo du jardin des plantes, provoquer les jeunesses communistes, révolutionner le traitement de l’image et pousser la provocation à un niveau d’acuité, d’humour et de finesse rarement atteint, le groupe s’installe dans un grand appartement rue d’Alesia, repeint les murs en jaune d’or et commence à bombarder la presse parisienne de leurs dessins qui, portés par leurs maîtrise technique et leur intelligence, s’imposent rapidement comme la référence moderne.

Actuel, l’Echo des savanes, Libération, Minute, les publicitaires, le PC, la mairie de Paris, le PS, tous commandent des planches à Bazooka sans bien comprendre à qui ils s’adressent ni pourquoi. La force de l’arbitraire encastre, les médias obtempèrent.

Bazooka n’a aucune structure identifiable, pas de membres fixes, ne revendique absolument rien, à part peut-être le vrai, le beau, le nouveau, un poste de croque-morts de l’histoire de l’art… Un coup de dents dans le doigt de pied, pas de réaction. KiKi Picasso annonce : « mon papi s’appelle l’art moderne, je ferai mieux que lui. »

© ARTICLE DE MARTIN RAHIN - 2011